Condamnée sans délais
MONT-DE-MARSAN. Au tribunal, la « braqueuse au couteau » a écopé de deux ans de prison ferme. Le double avait été requis, mais la défense a soulevé un débat de fondDeux ans de prison ferme et révocation d'un sursis antérieur de six mois : le glaive de la justice n'a pas tardé à s'abattre sur une jeune femme qui, armée d'un couteau, avait braqué lundi plusieurs commerçants montois (« Sud-Ouest » de mercredi 9 avril). Son ami, impliqué en cours d'enquête dans le contexte de cette affaire, a été condamné à huit mois de prison avec sursis, mise à l'épreuve pendant deux ans et obligation de se soigner pour avoir usé et importé d'Espagne avec sa compagne des doses de cocaïne et d'héroïne achetées à Bilbao.L'affaire, en effet, n'a pas traîné puisque le choix du parquet montois était de la juger selon la procédure de « comparution immédiate ».La prévenue, Nathalie Darribère, vivant du RMI avec un jeune enfant à charge plus les deux de son compagnon, Christian Bascle, n'est certes pas fichée au grand banditisme. Elle est plutôt du genre « paumé », vivant dans un milieu de familles de gitans plus ou moins sédentarisés qui ont eu déjà maintes fois eu maille à partir avec la justice.Elle est assez dangereuse toutefois pour avoir successivement braqué, armée d'un couteau, trois commerçants montois et avoir profondément entaillé la main droite de l'employée du magasin « Gisou fleurs » de la place Saint-Roch, Jacqueline Baillet, laquelle a une interruption temporaire de travail de plus d'un mois et a subi une opération à l'hôpital de Mont-de-Marsan.Souvent au bord des larmes _ feintes ou sincères ? _ mais sans un mot pour les victimes, cette femme de 34 ans essaie de minimiser les faits à la barre. Elle explique d'abord que, lors du premier braquage, celui d'une employée du salon de beauté du quartier Saint-Médard, elle n'avait pas pris d'euros dans la caisse... parce qu'il n'y en avait pas. Sur ce point, elle sera entendue et le vol sera requalifié en tentative. Elle prétend ensuite que le coup de couteau porté à la main de Jacqueline Baillet serait accidentel. Ce n'est hélas pas la version de la victime.Drôle d'anniversaire. Mais ce que cette audience a surtout permis d'évoquer, c'est le contexte dans lequel la prévenue a agi. C'est ce contexte qui fait que son ami se retrouve à la barre pour usage et importation d'héroïne et de cocaïne. Le couple, avec trois enfants à charge, vit seulement des allocations de solidarité et des prestations familiales avec un revenu de 800 euros par mois.« J'en ai eu assez de me trouver sans un sou le dix de chaque mois », explique la prévenue. Le président Defix lui fait remarquer que cela n'a pas empêché le couple de se procurer auprès de dealers de Bilbao, dont ils paraissent bien connaître les filières, pour 150 euros de drogue. Et tous les deux d'expliquer qu'ils voulaient « faire la fête » à l'approche de l'anniversaire de Nathalie Darribère. Une fête oú, manifestement, les « éléphants roses » étaient invités. La « fête » eut lieu le week-end dernier et c'est le lendemain que, l'esprit encore vague, elle aurait commis ces braquages minables.Casiers accablants. Mais il y a surtout des casiers judiciaires accablants. Elle a déjà été condamnée à Mont-de-Marsan pour des vols avec armes très semblables à ceux commis lundi dernier. Elle est donc en état de récidive légale. Lui, a purgé au total plus de neuf ans de prison après, entre autres, des condamnations pour des vols avec violences en réunion et des transports de fausse monnaie. Même si l'on veut bien admettre des efforts de réinsertion depuis trois ans, ses efforts à elle paraissent plus minimes.Les faits et ce contexte paraissent assez grave au substitut Stéphanie Ausbart pour demander quatre ans de prison ferme, révocation du sursis antérieur pour elle; huit mois de prison ferme avec mandat de dépôt à l'audience pour lui et interdiction de séjour de cinq ans dans les Landes pour tous les deux.Justice expéditive ? C'est ce qui a fait bondir Me Dutin. L'avocat souligne que cette affaire aurait pu relever de la cour d'assises (pour le crime de vol à main armée), mais qu'elle a été correctionnalisée (sous la qualification de « vols avec violences ») et qui plus est, qu'elle est jugée en procédure de comparution immédiate, c'est-à-dire sans instruction, sans expertises, sans enquête de personnalité.L'avocat eut beau jeu de remarquer que le ministère public, qui a choisi cette voie, choisit pourtant de requérir des peines correspondant aux peines lourdes prononcées en cour d'assises. On souhaite dès lors que les recherches d'économies de gestion et de temps de l'institution judiciaire _ ce qui est, il est vrai, aussi dans l'intérêt des victimes _ ne conduisent pas à une justice expéditive.Ce débat _ de fond _ a manifestement touché les magistrats du siège qui, après un délibéré de moins d'un quart d'heure, ont divisé par deux les réquisitions du ministère public, donné du sursis au compagnon de la braqueuse, considérant que les enfants, comme l'avait souligné la défense, risquaient d'être les premières victimes d'une mise sous les verrous du couple et n'ont pas donné suite à la proposition d'interdiction de séjour.Geneviève Dutaut, la « mamie » à laquelle la prévenue avait arraché son porte-monnaie rue Lesbazeilles a obtenu l'euro symbolique qu'elle demandait... pour le principe et Me Corinne Capdeville a obtenu que soit inscrite, en attendant les expertises médico-légales, la constitution de partie civile de Jacqueline Baillet.